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  Qui pouvait penser qu’un oiseau assez commun sur nos côtes mobiliserait tant d’attention et d’énergie pour assurer d’abord sa survie, ensuite sa maintenance en pension ?

 

    Fin octobre 1987, sur les enrochements du port de Banyuls, un oiseau épuisé, venant du large venait s’échouer...

 

 macareux moine

    Son bec, pourtant habituellement redoutable, n’avait plus la force de frapper. Si les plumes du dos étaient restées noires, le reste du plumage était brun terne imprégné de mazout fixant les plumes  en une plaque cartonnée.Recueilli par les marins du Laboratoire Arago à Banyuls-sur-mer, nous avons dû procéder à plusieurs lessivages qui furent nécessaires pour obtenir un résultat acceptable. Enveloppé dans des lainages, et près d’un radiateur de leur local, il reprit jour après jour une vitalité relative, mais une fringale impressionnante.

 
    Habitué à la présence des hommes qu’il accueillait  par un petit croassement, réclamant toujours une pitance, se nourrissant quotidiennement de 50 à 70 poissons de 5 à 6 cm de long, genre Atherine (catalan : Cabot), ceci nécessitait de la part de chacun des pêches nocturnes à l’aide d’épuisettes, de petites nasses, et même à la ligne..Devenu très familier, il avait droit à son bain quotidien, s’éloignant par des nages en plongée de 50 à 100 mètres du rivage, puis lorsqu’il était pris de fatigue, il revenait au point de départ où il remontait sur le rebord d’une épuisette qui lui était tendue, pour rentrer à l’abri où il s’ébrouait, se laissant sécher à la chaleur d’un radiateur.
 

    Pour les vacances de Noël, il fut pris en pension chez un couple de banyulencs ami des animaux,  où le pensionnaire se sentit tout à son aise, devenant en même temps l’ami du couple de chiens épagneuls bretons.Nos amis,  les épagneuls et Félix le macareux, allaient ainsi tous les jours prendre leur bain à partir de la plage de Banyuls, et rentraient ensemble au bercail.

 

    Ceci aurait peut-être duré encore longtemps, mais un jour, pendant le bain de Félix, une compagne se fit remarquer dans la baie : la première fois, il sut résister à la tentation, mais le jour suivant les plongeons furent plus longs et le couple,disparaissant et reparaissant quelques fois de plus en plus loin, finit par disparaître définitivement au large.

 

    L’attente du retour fut alors longue, puis il fallut bien se rendre à l’évidence : Félix avait fait son choix. La fin fut si belle que nul n’éprouva le moindre regret de cette absence.

 
 

          Jacques CENTELLES